Nutrition : que faire et quelles recommandations proposer à vos patients ?
La nutrition entérale exclusive (NEE) garde toute sa place au cours des MICI et il faut savoir l’utiliser dans certaines situations : maladie luminale active chez l’enfant1, abcès, sténose, période préopératoire et peut-être aussi au cours des colites aiguës graves. Elle pourrait être associée à des régimes anti-inflammatoires voire même, remplacée par ces régimes, mais des études sont encore nécessaires pour confirmer leur intérêt.
Dans tous les cas, la prise en charge d’une MICI doit intégrer le problème de l’alimentation. Dans un premier temps, il faut savoir quel est le mode alimentaire de votre patient afin de dépister d’éventuelles erreurs. Les principales erreurs alimentaires que l’on rencontre chez les malades sont :
- la prolongation d’un régime sans résidu après une poussée de la maladie,
- l’élimination systématique d’aliments tels que le gluten, le lactose, les fruits et légumes, voire la viande, dans l’espoir de prévenir une poussée,
- le régime sans sel strict au cours d’une corticothérapie alors qu’il aurait été préférable d’augmenter les protéines et de réduire les graisses,
- la prise de compléments alimentaires au long cours
- et les régimes anti-inflammatoires pris sans accompagnement.
Le médecin devrait aborder le sujet de l’alimentation dès la première consultation. Il devrait être proactif et ne pas attendre que son malade lui en parle et lui annonce qu’il suit tel ou tel régime découvert sur internet ou grâce aux conseils d’amis. Le médecin devrait essayer d’en savoir plus sur ce que le patient mange afin de l’accompagner dans un éventuel changement des habitudes alimentaires.
L’imprimé type au logo du service ou du cabinet avec le « régime type MICI » n’existe pas, il faudra l’expliquer au malade qui bien souvent l’attend. Il est important de privilégier une alimentation plaisir plutôt qu’une alimentation sanction en adaptant les conseils à l’état digestif (poussée, stomie, grêle court, rémission, …) et aux préférences du patient. Il est possible de s’aider d’outils (livret, fiches, etc…). Il est aussi très souvent utile voire indispensable d’orienter le patient vers des ateliers diététiques, une consultation diététique, un programme d’éducation thérapeutique ou vers des sites internet où l’information est validée (MICI Connect par exemple). Il est également nécessaire de peser le malade à chaque consultation et de détecter d’éventuelles carences (fer, Vit B9, Vit B12, Vit D, Zinc).
Des témoignages de patients suggèrent qu’une modification du mode d’alimentation et plus généralement de leur mode de vie, leur a permis de mieux gérer leur maladie2. Des auteurs, à l’issue d’une analyse exhaustive de la littérature ont proposé une pyramide alimentaire anti-inflammatoire3 et l’International Organization for the Study of Inflammatory Bowel Diseases (IOIBD) a émis des recommandations pour une alimentation plus saine4. La société européenne de nutrition clinique et métabolisme (ESPEN) vient d’actualiser ses recommandations qui vont également dans ce sens et qui seront bientôt disponibles.
Le concept de « healthy diet » repose sur quatre piliers :
- Privilégier les produits frais : fruits et légumes de saison en évitant les produits industriels, les plats tout prêts trop salés et sucrés avec de nombreux additifs alimentaires.
- Préférer le poisson (sardine, maquereau, thon, saumon, cabillaud, …), les fruits de mer (crabe, crevettes, moules, …) et la viande blanche, limiter la viande rouge (une à deux fois par semaine).
- Cuisiner maison. Privilégier les cuissons à la vapeur, au four ou à la plancha. Limiter le sel et les matières grasses pour la cuisson. Utiliser de l’huile d’olive.
- Adopter le végétal : certaines protéines végétales peuvent remplacer les protéines animales (graines de courges, avoine, tofu, soja, …).
Le mode de vie « healthy » consiste également à faire régulièrement de l’activité physique, ce qui est bénéfique sur l’inflammation, à ne pas fumer et ne boire de l’alcool que très modérément.
Longtemps, parent pauvre de la prise en charge des MICI, la prise en charge nutritionnelle a eu une place indiscutable dans la stratégie thérapeutique. La NEE ou les régimes d’exclusions stricts sont parfois proposés dans des situations particulières à la place ou en association aux traitements classiques ou biologiques. Les conseils alimentaires idéalement donnés par un diététicien sont nécessaires et limitent les erreurs alimentaires des patients.
Parmi les conseils diététiques qui peuvent être dispensés aux patients, il pourrait être utile de proposer une « alimentation santé », en privilégiant les produits frais, peu modifiés et cuisinés maison : le marché plutôt que le supermarché en quelque sorte.
Article rédigé en collaboration avec un gastro-entérologue.
Références
- Narula N, Dhillon A, Zhang D et al. Enteral nutritional therapy for induction of remission in Crohn's disease. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Apr 1;4(4):CD000542. doi: 10.1002/14651858.CD000542.
- Deumier J. Diagnostiquée Crohn. Changer d’alimentation m’a changé la vie. Eds Flammarion 2017.
- Rondanelli M, Lamburghini S, Faliva MA, et al. A food pyramid, based on a review of the emerging literature, for subjects with inflammatory bowel disease. Endocrinol Diabetes Nutr (Engl Ed). 2021;68:17-46.
- Levine A, Rhodes JM, Lindsay JO, et al. Dietary Guidance From the International Organization for the Study of Inflammatory Bowel Diseases. Clin Gastroenterol Hepatol. 2020;18:1381-92.