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Le rôle des aliments dans la survenue d’une MICI 

Les études de cohortes ont démontré qu’une alimentation riche en fruits et légumes et en acides gras n-3 provenant des poissons est associée à un risque plus faible de MICI1. A l’inverse, une alimentation plus riche en viande rouge, en sucre, boissons sucrées et confiseries et une consommation basse en légumes et légumineuses est associée à un risque plus élevé de MICI1,2Plus que le type d’aliment, il semble que le risque de survenue d’une MICI soit associé à la typologie alimentaire.

Ainsi, dans l’étude de Racine et al.2, le risque de développer une RCH augmentait chez les personnes qui avaient une consommation élevée en sucre, boissons sucrées et confiseries associée à une consommation basse en légumes et légumineuses ; à l’inverse, il n’augmentait pas chez les sujets dont la consommation élevée en sucre, boissons sucrées et confiseries, était associée à une consommation élevée en légumes, légumineuses et en fruits.

L’étude d’Ananthakrishnan et al.3 suggère que la typologie alimentaire de l’adolescence pourrait influencer le risque de développer une MICI à l’âge adulte. En 1997, 40,5% des 116 686 femmes qui participaient à la
Nurses’ Health Study ont renvoyé un questionnaire détaillé concernant leur alimentation à l’âge de 13 à 17 ans. Elles étaient à ce moment âgées de 35 à 51 ans et indemnes de MICI. En 2011 (763 229 personnes/année), 70 cas incidents de MC et 103 de RCH ont été déclarés. Le risque de développer une MICI était significativement réduit dans le groupe de femmes qui avaient eu l’alimentation la plus prudente pendant l’adolescence, c’est-à-dire la plus riche en fruits et légumes et en poisson (pour le 4ème quartile : RR = 0,47 ; IC 95% : 0,23-0,98, P = 0,04).

Une étude a montré que chez des patients ayant eu une coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale et indemnes de pochite, la consommation de fruits était associée à des modifications favorables du microbiote et à un moindre risque de développer une pochite au cours du suivi4

Plus récemment, le rôle possible d’additifs alimentaires a été évoqué et le concept d’aliments hautement transformés (AHT) a été créé. Les AHT se définissent par opposition aux aliments frais et à ceux qui sont modifiés par des procédés comme le retrait des parties non comestibles, le séchage, le concassage, le broyage, la pasteurisation, la réfrigération, la congélation ou l’emballage sous vide. Aucun de ces produits ne comporte de substances ajoutées. On retrouve par exemple les fruits, les légumes et les légumineuses frais, séchés ou congelés, la viande coupée et emballée, le poisson frais, le lait pasteurisé, le yogourt nature, les œufs, le riz, le maïs, les pâtes. A l’inverse, les AHT sont fabriqués industriellement et enrichis avec des additifs (stabilisants, conservateurs, épaississants, émulsifiants, exhausteurs de goût, colorants) à des fins gustatives, technologiques ou cosmétiques. Ces produits sont consommés sous forme de collations, desserts ou plats cuisinés : confiseries, biscuits, gâteaux, crèmes glacées, boissons sucrées (sodas), produits laitiers sucrés, pains industriels, plats préparés, pépites (nuggets) de volaille ou de poisson, hot-dogs et autres produits à base de viande reconstitués, soupes en briques, céréales du petit-déjeuner, édulcorants artificiels, etc…  Ils sont riches en acides gras saturés, sucres, sodium et pauvres en fibres alimentaires.

La consommation des AHT a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, plus particulièrement dans les pays industrialisés. En France, les AHT contribuent à plus de 30% de nos apports énergétiques quotidiens ; ce chiffre dépasse 55% aux USA et en Grande-Bretagne5. Les AHT sont associés à un déséquilibre alimentaire et sont suspectés d’avoir un effet négatif sur la santé. Les mécanismes qui pourraient favoriser ces effets négatifs sont :

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Une augmentation de 10 % de la quantité d’AHT serait associée à une augmentation de 11 % de cancers6 et ils seraient associés au syndrome de l’intestin irritable7 mais aussi à de nombreuses autres maladies non transmissibles dont l’obésité, le syndrome métabolique, le diabète de type 2, les affections cardio-vasculaires, la dépression, etc …5.

Un travail expérimental réalisé chez des souris knock-out (KO) pour l’IL10 montre que l’enrichissement de leur eau de boisson par des petites quantités (1%) d’additifs alimentaires courants de l’alimentation comme le carboxyméthylcellulose et le polysorbate-80, réduit la couche de mucus protectrice de l’intestin, favorise la survenue de lésions inflammatoires et modifie considérablement le microbiote8. La même équipe vient de publier chez l’Homme, des résultats qui vont dans le même sens9. Seize volontaires sains ont reçu une alimentation sans additifs puis ont été randomisés pour recevoir ou non 15 g/j de carboxymethylcellulose pendant 11 jours. Le carboxymethylcellulose a entraîné un inconfort intestinal postprandial et a profondément réduit la diversité du microbiote intestinal des sujets qui en avaient consommé. D’importantes anomalies du métabolome avec notamment un appauvrissement en certains acides gras à chaînes courtes et en certains acides aminés ont également été observées. Chez deux sujets, une colonisation de la couche de mucus pas des bactéries du microbiote a été observée à la suite de la consommation de carboxymethylcellulose.

Les études de cohortes historiques n’avaient pas évalué la quantité d’AHT consommée par les participants. Lo et al. ont réévalué les questionnaires alimentaires de trois grandes cohortes américaines : la Nurses’ Health Study (1986–2014), la Nurses’ Health Study II (1991–2017), et la Health Professionals Follow-up Study (1986–2012)10. Une table validée (classification NOVA) permettait de calculer rétrospectivement la quantité d’AHT consommée. Dans le plus haut quartile, le risque de maladie de MC était de 1,70 (IC 95% : 1,23-2,35), celui de RCH était de 1,20 (IC 95% : 0,91-1,58). Cependant, le caractère rétrospectif du calcul d’un score d’AHT à partir de questionnaires non construits pour cet usage limite l’intérêt de cette étude. Par ailleurs, ces cohortes de professionnels de santé américains ne reflètent pas l’alimentation d’autres populations où l’incidence des MICI est en constante augmentation.

Dans une étude, Narula et al. ont récemment évalué l’impact de la consommation d’AHT chez 116 087 personnes provenant de 21 pays : Argentine, Bangladesh, Brésil, Canada, Chili, Chine, Colombie, Inde, Iran, Malaisie, Palestine, Pakistan, Philippines, Pologne, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Suède, Tanzanie, Turquie, Emirats Arabes Unis et Zimbabwe, participant à la cohorte PURE (Prospective Urban Rural Epidemiology) 11. Le suivi médian était de 9,7 ans et 467 cas incidents de MICI (90 MC et 377 RCH) ont été observés. Les sujets qui consommaient une à quatre portions d’AHT avaient un risque significativement plus élevé que ceux qui n’en consommaient pas ; celui-ci était encore plus important au-delà de cinq portions par jour :

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Risque relatif de déclarer une MICI dans une cohorte de 116 087 personnes en fonction de la quantité d’aliments hautement transformés consommée11.

Dans cette étude, la viande blanche, la viande rouge non transformée, les produits laitiers, les féculents, les fruits, les légumes et les légumineuses n'ont pas été associés au développement des MICI, ce qui suggère que ce n'est peut-être pas l'aliment lui-même qui confère le risque de développer une MICI, mais plutôt la façon dont l'aliment est transformé ou ultra-transformé11.

Article rédigé en collaboration avec un gastro-entérologue.

Références

  • Forbes A, Escher J, Hébuterne X, et al. ESPEN guideline: Clinical nutrition in inflammatory bowel disease. Clin Nutr. 2017;36:321-7
  • Racine A, Carbonnel F, Chan SS, et al. Dietary Patterns and Risk of Inflammatory Bowel Disease in Europe: Results from the EPIC Study. Inflamm Bowel Dis. 2016;22:345-54
  • Ananthakrishnan AN, Khalili H, Song M, et al. High School Diet and Risk of Crohn's Disease and Ulcerative Colitis. Inflamm Bowel Dis. 2015;21:2311-9.
  • Godny L, Maharshak N, Reshef L, et al. Fruit Consumption is Associated with Alterations in Microbial Composition and Lower Rates of Pouchitis. J Crohns Colitis. 2019 Sep 27;13(10):1265-1272.
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  • Lo CH, Khandpur N, Rossato SL, et al. Ultra-processed Foods and Risk of Crohn's Disease and Ulcerative Colitis: A Prospective Cohort Study. Clin Gastroenterol Hepatol. 2021;S1542-3565(21)00911-3
  • Narula N, Wong ECL, Dehghan M, et al. Association of ultra-processed food intake with risk of inflammatory bowel disease: prospective cohort study. BMJ. 2021 Jul 14;374:n1554.
FRA-NP-0624-80051 - Juillet 2024